mardi 29 décembre 2009




Vous avez dit :

phéromones ou endorphines ?

Article du Dr Max Santoul - Paris

Avant d'arriver au bébé qui naîtra de l'amour d'une femme et d'un homme, l'évolution du règne animal (dont l'une des particularités est qu'il permet le déplacement, donc la migration et donc le peuplement) a choisi le même modèle. En dehors de quelques exceptions (comme celle de l'escargot par exemple, peut-être parce qu'il se déplace trop lentement), il s'agit d'accoupler des êtres de sexes opposés pour leur donner le désir et le plaisir d'enfanter.

Cette magie se retrouve être à la base de la sexualité (issue de la scission d'une unité cellulaire première en deux patrimoines génétiques distincts qui devront se réunir pour former la copie de l'espèce - c'est son sens originel qui s'éloigne du discours habituel). Différente du simple jeu érotique, qui fausse la perspective en gommant la différence, elle se trouve en partie liée aux phéromones et aux endorphines.

Comment la peau, en dehors de la beauté qu'elle enveloppe, peut-elle influencer la séduction.

Que savons-nous des phéromones ?

Les phéromones sont des substances émises par la plupart des animaux et certains végétaux, de façon volatile ou par contact direct, comme messagers sur des individus d’une même espèce. Extrêmement actives, elles agissent en quantités infinitésimales et peuvent être perçues à très grande distance.

Chez les mammifères et les reptiles, les phéromones sont détectées par l’organe voméronasal, tandis que les insectes utilisent généralement leurs antennes.

Ce sont des substances spécifiques comparables aux hormones. Mais, alors que ces dernières sont produites par des glandes endocrines et circulent uniquement à l’intérieur de l’organisme, les phéromones sont généralement produites par des glandes exocrines ou sécrétées par des liquides organiques. Elles jouent un rôle primordial lors des périodes d’accouplement et permettent également des comportements sociaux chez certains insectes. Ces phéromones sont indispensables au bon fonctionnement du groupe.

On a longtemps pensé que l’organe voméronasal, très actif chez les animaux, ne fonctionnait pas chez l’Homme. Plusieurs études ont prouvé le contraire, mais il est fort probable que la perception inodore des phéromones ne soit pas indispensable. Il semblerait que les odeurs conjointes à leur émission aient également leur importance.

Lorsque les premiers groupes cellulaires se sont organisés, à l’origine du vivant, deux systèmes majeurs sont apparus presque en même temps : la défense (immunitaire) et la communication (par influx). On y dénote déjà les prémices du pouvoir absolu. Tout au long de l’évolution, les individus ont opté pour une immunité sans cesse plus performante. Il se trouve que pour en arriver là il faut croiser les patrimoines génétiques. La sexualité s’y prête à merveille, puisqu’elle en est la division par deux, qui recouvre l’unité lors de l’accouplement. À chaque fois, une carte génétique se renouvelle. Il se trouve que les phéromones et les odeurs corporelles sont perçues attirantes dans l’inconscient des individus quand elles lui sont étrangères. Ainsi, dès le début, l’inceste est un refus et « la non-consanguinité » programmée pour être la règle. De chaque union issue de la séduction surgira un être mieux équipé pour ses défenses immunitaires.

Comment s’explique ce phénomène mystérieux ?

Par le jeu du microbisme local !

Ce sont les microbes qui transforment les émissions inodores (ou inactives) en molécules odorantes (ou actives). Comme la composition subtile de la flore cutanée et génitale est différente selon l’immunité de chacun, personne ne peut revendiquer exactement la même. Aussi, l’instinct conservateur saura reconnaître la différence et porter son choix sur l’émetteur sensible. L’exclusivité des odeurs intimes est telle, qu’un document littéraire récent fait état du dressage de chiens au sein de la Stasi (police politique d’Allemagne de l’Est à l’époque du Rideau de fer), qui reniflaient des dessous dérobés chez les habitants, pour voir si leur odeur était retrouvée dans les endroits où il ne fallait pas aller. Il paraît même qu’il reste des nostalgiques de cette époque. Comme quoi, des goûts et des odeurs…

En fait de choix, on comprendra que les choses sont nettement plus complexes. Mais pour explorer davantage les mystères de l’évolution des espèces, prenons l’exemple curieux des différences naturelles entre la fécondité des deux sexes. Les spermatozoïdes ont opté pour le plus grand nombre et la fécondité permanente. Les ovules ont opté pour un seul élément par tentative et une fécondité cyclique. Ainsi deux méthodes radicalement opposées aboutissent au même résultat : assurer une progéniture de bonne qualité. L’une par le nombre (on la dit compétitive) et l’autre par le choix (on la dit sélective). Rien d’anormal à constater que le mâle saute sur tout ce qui bouge et qu’il devienne si violent pour garder ses prérogatives. Quant à la femelle, elle doit choisir méticuleusement celui qui va l’aider au mieux à continuer l’espèce. Il faudra séduire. Quoi de plus naturel finalement qu’un troupeau de biches autour d’un mâle dominant… mais ont-elles vraiment le choix ?

Les scientifiques, passionnés pour cette dualité sexuelle, se sont demandé si la chose était vérifiable dans le règne animal en général. Il n’est pas possible de s’en assurer de façon exhaustive, mais leurs études ont abouti à la conclusion que c’était souvent le cas chaque fois qu’ils en ont mené la recherche. Prenons celui des mouches, par exemple. Qui pourrait imaginer une seule seconde que le bal des débutantes au-dessus d’une bouse puisse laisser le choix du partenaire ? Mais voici la preuve du contraire. En congelant immédiatement un couple de diptères en copulation, puis en réalisant des coupes microscopiques de leur union, quelle ne fut pas la surprise de constater que la mouche était également sélective.

Comment y parvient-elle ? Une petite organelle en forme de ventouse (proche de celle qui nous sert à déboucher les siphons) permet d’accepter le « sperme » du mâle ou de l’éjecter après copulation. Fine, la mouche !

La femelle du hérisson reste plus terre à terre. Elle se fait toute douce en couchant ses piquants au moment de l’accouplement, quand elle décide le bon choix du partenaire. Alors que les sécrétions de ses glandes temporales permettraient de l’éviter. Ce qui nous ramène dans l’univers de la peau. Elle interviendra forcément au moment de la sélection, non seulement par l’émission de substances messagères, mais également par la parade ou la parure. Pour faire simple, disons que l’attrait pour la cosmétique serait probablement guidé par le désir inconscient d’un choix favorable en augmentant le pouvoir de séduction.

Quant au monde des fragrances, il s’est largement ouvert sur la recherche pour trouver des parfums séducteurs. Nul doute qu’on y parvienne, puisque les biochimistes savent déjà les synthétiser. Mais vont-ils attirer les bons ou séduire les bonnes partenaires ?

La salive échangée au cours du baiser est chargée de phéromones, mais le contact direct de la peau nue l’est également. Ce sont nos glandes apocrines qui en contiennent le plus. On les retrouve dans l’aine, aux aisselles et autour du mamelon. La sueur de l’homme serait riche en androsténol, qui lui est spécifique, et les sécrétions vaginales de la femme en copuline. Ce seraient les deux principales « hormones sexuelles externes » identifiées dans notre espèce.

Tout semble réuni pour que la magie opère. Finalement, dire : « Je ne peux pas te sentir » ou « Je t’ai dans la peau », c’est se référer inconsciemment à une forme du sensible.

On comprend mieux l’enfermement à double tour de la mémoire des fragrances dans le cerveau archaïque, dit reptilien. Là où tout s’est décidé depuis l’origine. Elle s’y trouve enfouie, à jamais inévocable. En revanche, la moindre odeur réveille nos instincts et nous reviennent en mémoire les événements qu’elle a parfumés. Voilà une belle parade, car si nous pouvions imaginer d’autres phéromones par la seule volonté de l’esprit, la relation serait trichée. Finalement, humaniser la sexualité est d’une certaine manière une insulte à l’évolution.

La peau serait donc un puissant radiateur « hormonal ». Le culte de la nudité aux effluves du désir en devient le meilleur des aphrodisiaques. Si notre évolution s’est si merveilleusement orchestrée, si nos défenses immunitaires ont surmonté les épreuves, si l’Homme a traversé les âges sans être décimé, c’est en partie redevable au plaisir du sexe, à la magie de la séduction. Que la pire des contaminations en soit issue est peut-être le signe que le chemin n’est pas abouti, que son contrôle nous prive des vents du large, que son refoulement nous drosse sur le rivage. Le message de la nature est parfois ambigu, s’y mêlent les peurs, les espoirs, les craintes et les mirages.

Que savons-nous des endomorphines (ou endorphines) ?

Ce sont de courtes chaînes d’acides aminés (polypeptides) produits de façon naturelle, d’action similaire à celle de l’opium et de la morphine (nommée ainsi car ses effets rappellent le dieu des songes de la Grèce antique, Morphée). Notre organisme utilise ces substances similaires aux opiacés comme « messagers », que l’on désigne souvent sous l’appellation d’opioïdes endogènes.

Nous savons depuis peu de temps que les endomorphines produites par les neurones du cerveau le sont également par les kératinocytes de la peau. Il y a donc un « cousinage » entre les deux organes. Il se trouve d’ailleurs qu’ils sont issus du même feuillet anatomique lors de la réalisation de l’embryon. La peau et le système nerveux sont intimement liés depuis les premières ébauches de l'individu. Quoi de plus logique en même temps, puisque notre centre de l’analyse et des décisions doit se tenir informé de tout ce qui l’entoure. Il se connecte pour ce but aux organes des sens, c’est une question vitale : l’ouïe l’informe sur les ondes sonores, la vue sur le rayonnement électromagnétique (donc les formes, les couleurs et les mouvements dans l’espace), l’odorat sur les molécules qu’il respire (dont les phéromones font finalement partie), le goût sur ce qu’il ingère et le tact (donc la peau) sur les actes immédiats du toucher et les phénomènes physiques « palpables » du milieu (déplacement de l’air, glissement de l’eau, température, pression, humidité, sécheresse…). Des sensations encore plus subtiles sont dépendantes de l’oreille interne, comme le sens des accélérations par exemple, dont la contradiction éventuelle par d’autres perceptions entraîne des désordres d’interprétation débouchant sur un malaise (déséquilibre, nausée…).

Ce qui se révèle à présent, c’est que la peau ne se limite pas à ses seuls pouvoirs de détection, mais qu’elle en regroupe plusieurs à des niveaux plus ou moins conscients (évident pour la lumière, vérifié pour les ultrasons et probable pour de nombreuses molécules environnantes).

Le largage de bêta-endorphine par les cellules épidermiques est stimulé au cours de l’exposition aux ultraviolets de faible intensité. Mais l’organisme qui sait la fabriquer sait aussi la détruire. Or, on a pu montrer que cette « hormone » était utile à la vie cellulaire. Particulièrement pour les kératinocytes (en potentialisant leur différenciation) et les adipocytes (en inhibant au contraire celle des jeunes cellules, pré-adipocytes, en adipocytes adultes qui stockent l’énergie sous forme d’huile pendant les excès de production et la relarguent en cas de besoin).

Ainsi le kératinocyte (qui produit lui-même les endomorphines auxquelles il est sensible), dont on reconnaît déjà une influence sur le derme, viendrait également réguler l’hypoderme et agir sur les récepteurs centraux du système nerveux. Y a-t-il un épuisement de la source à craindre au cours du temps ? Faut-il en compenser la perte ? Autant de questions qui restent d’actualité.

La peau, qui semblait d'un point de vue sensoriel une simple interface tactile, nous apparaît maintenant comme un radar sensuel, un émetteur de signal. Lors des pratiques érotiques, il y aura émission de phéromones et d'endorphines (dont une simple caresse peut en provoquer la sécrétion), ce qui explique une partie du bien-être ressenti.

Ces sensations, pouvant s'apparenter à une addiction, induiront le besoin de former à nouveau cette union symbolique de l'Unité première.

Rédaction sous copyright du Dr. Max Santoul

Extrait de "La Beauté dans la Peau" - Le Cherche Midi

TEXTE PROTÉGÉ PAR DROIT D'AUTEUR REPRODUCTION INTERDITE




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Pour plus d'informations, lire

"La Beauté dans la Peau"

éditions du Cherche Midi.

2 commentaires:

Max Santoul a dit…

Les commentaires sur les articles sont les bienvenus.

Anonyme a dit…

Vous nous interpelez toujours, autant dans vos articles que dans vos livres.
Bravo !

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