jeudi 19 novembre 2009




Vous avez dit :

bave d'escargot ?

Article du Dr Max Santoul - Paris


Depuis longtemps, les Indiennes mapuches ramassaient dans la campagne chilienne un gastéropode des terres australes, l’Helix aspersa Müller, dont les Machis (chamanes autochtones) connaissaient les bienfaits sur la peau.

À la fin du XXe siècle, une famille d’éleveurs d’escargots remarque la douceur des mains de leurs ouvrières et la bonne cicatrisation de leurs coupures.


Sommes-nous en présence d'une découverte ?

La bave d’escargot contient, entre autres protéines et vitamines, de l’acide glycolique, du collagène et de l’élastine. Mais c’est la présence d’une autre substance qui nous intéresse, car il est courant d’observer que de nombreux animaux lèchent leurs plaies et obtiennent une guérison rapide, ce qui a été corrélé avec une grande production d’allantoïne salivaire.

Cette substance, retrouvée dans le liquide amniotique de beaucoup de mammifères, est aussi présente dans une plante vivace médicinale comestible (la consoude de Russie) qui optimise notamment la fertilité des sols, la croissance des végétaux et accélère la formation de nouvelles cellules (aussi bien dans la peau que dans l’os, dont elle consolide les fractures, ce qui lui vaut son nom français).

Il semblerait que ce soit l’actif principal des vertus cosmétiques du mucus d’escargot.


Qu’en est-il exactement de l’allantoïne ?

L’allantoïne est reconnue pour ses propriétés hydratantes, anti-irritantes et son action bénéfique sur la croissance cellulaire. Efficace même à faible concentration (à partir de 0,1 %), elle est utilisée dans le traitement des plaies, des brûlures et des ulcères cutanés. Elle aide à la régénération au cours des étapes de réparation des tissus lésés (granulation) et agit comme accélérateur de la cicatrisation. C’est une substance largement utilisée dans l’industrie cosmétologique et pharmaceutique. Elle entre dans la composition d’émulsions, de laits corporels, de crèmes, de pommades apaisantes ou réparatrices et des cosmétiques de parure (rouges à lèvres) ou de soin (ce qui nous ramène à la bave d’escargot).


Agnès Sorel qui prenait grand soin de sa peau, comme de Charles VII (que Jeanne d’Arc avait tiré de sa léthargie) dont elle était la favorite au point qu’il modifia l’ordre de préséance en sa faveur au détriment de la reine qui en fut humiliée, était réputée pour sa vénusté et l’éclat de son teint. Elle poussait la coquetterie jusqu’à s’épiler le haut du front pour équilibrer son visage. Jacques Cœur (qu’on accusa d’être son amant, puis de l’avoir empoisonnée) lui avait rapporté d’Orient la composition d’un onguent où des pétales de roses, des fleurs de fève et des nénuphars devaient macérer dans de la crème fraîche. On y remarque encore l’acide lactique qui réussissait à Cléopâtre. Elle utilisait aussi des masques au miel pour la nuit, si proches des facteurs humidifiants modernes et autres acides de fruits. Mais c’est sa crème antirides qui nous laisse pantois. Il s’agissait de mélanger de la bave d’escargot, un soupçon de cervelle de sanglier et des crottes de chèvre. (La marquise de Montespan, qui buvait de l’urine de mule, marqua sa préférence en se tournant vers la moelle de bœuf et la bouse de vache – ce qui devait flatter les narines de Louis XIV qui ne se lavait jamais. Enfin, jamais, n’exagérons rien ! il aurait pris un bain en 1665.) La méthode « excrémentielle » bovine est toujours appréciée en Inde. Quant aux geishas, elles préfèrent les fientes des roitelets du Japon. Agnès Sorel ajoutait à sa mixture des pétales d’œillets rouges et des vers de terre vivants (pas pour longtemps). Le tout était travaillé au mortier, additionné de sang de loup et appliqué sous le maquillage. Une fois passé l’instant de surprise (ou de dégoût), reprenez la formule à tête reposée en remontant dans la rédaction de la liste et vous y trouverez à peu près tout ce qui constitue un bon cosmétique.

Diane de Poitiers, dit-on, resta d’une égale jeunesse durant la trentaine d’années qui suivirent la préférence que François Premier lui porta. Elle en profita pour être aussi la maîtresse du Dauphin qui lui rendait vingt années d’âge. Avait-elle un secret de beauté éternelle ? Peut-être son eau de pigeon. La préparation qui devait macérer contenait du jus de liseron, de concombre, de melon, de nénuphar, de fleurs de lys et de fèves (connaissait-elle les vertus de l’onguent oriental ?). Des pigeons hachés menu devaient y tremper avec du beurre, du sucre, du camphre (voisin de l’allantoïne, donc de la bave d'escargot), de la mie de pain (l’amidon est un polymère toujours d’actualité) et du vin blanc. C’est par distillation de cette marinade qu’était extraite sa liqueur de jouvence.

Nous en savons maintenant assez pour comprendre que les apparences sont parfois trompeuses, et qu’il vaut mieux se tourner vers les spécialistes pour évaluer un ingrédient avant de le qualifier de révolutionnaire. Ce qui ne veut pas dire que de le remettre à l’honneur soit une mauvaise affaire.

Rédaction sous copyright du Dr. Max Santoul

Extrait de "La Beauté dans la Peau" - Le Cherche Midi

TEXTE PROTÉGÉ PAR DROIT D'AUTEUR REPRODUCTION INTERDITE




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Pour plus d'informations, lire

"La Beauté dans la Peau"

éditions du Cherche Midi.

1 commentaire:

Max Santoul a dit…

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